Cinquante
-trois ans
Doucement
tu mords
de l’autre
côté du fruit
là où la chair
est la plus tendre
Tu es loin encore
du noyau
Prends
tout ton temps
—
La veille
de tes cinquante
-trois ans
la lune montre
son croissant
qui luit
dans la nuit
Invite-la
dans ton regard
et vois
comme elle verse
en ton honneur
une liqueur
dans le noir
– vin d’or
qu’elle te réserve
jusqu’à l’aurore
Puisque la lune
toujours jeune
dans le ciel
fête
ton anniversaire
lève
haut
pour elle
ton verre
rempli
d’eau
de Vie
—
Tu es jeune
encore
Tant de jours
précèdent
d’autres jours
à vivre
—
Cinquante
-trois ans
Va de l’avant
telle la comptine
de l’enfant
qui devance
d’un instant
la chanson
cristalline
de la rivière
—
Suis le cours
du temps
qui se jette
dans l’embouchure
bleue
du monde
—
Ta vie
a suivi
des méandres
des courbes
dans l’herbe
sombre
le limon noir
les joncs épais
—
Mais en ce jour
où tu es en paix
il te suffit
de tendre
ton bâton de sourcier
dans le silence
pour écouter
la voix
de la vie
qui sourd
à fleur
de ton coeur
—
Tu m’as dit
il y a un mois
Cinquante-trois
ans bientôt
Je crains que l’eau
de source
ne soit
tarie en moi
Mais vois-tu
comme ton corps ondule
et se déhanche
dans la lumière
Tu es l’eau devenue
qui rit et bruit
parmi les menthes
du printemps
—
Cinquante
-trois ans
en ce jour neuf
tu énumères
tes épreuves
Il y eut
peut-être
ce divorce
les enfants partis
Tu es loin
du rêve absolu
de tes trente ans
mais sur ton visage
qui sourit
le matin rose
pose
son doigt
de lumière
comme jadis
sur les fossettes
de ton rire
—
Un astre
s’ajoute
à ta voix que j’écoute
et s’avive
—
Tes larmes vieilles
ne sont plus
étincelles éternelles
devenues
—
Tes chevilles
sont si fines
et ta peau
si douce
Je vois fleurir
quand tu te penches
dans le jour
cette rose
qu’on appelle
tache
de naissance
sur ton cou
—
Tu me dis
Et cette ride
Tu l’oublies
J’ai tout de même
cinquante
-trois ans
aujourd’hui
Cette ride
c’est la trace
de ton sourire
qui demeure
comme la vague
laisse souvent
en son sillage
une ligne
si fine
où s’accrochent
étoiles de mer
et coquillages
—
Tu me dis
Cinquante
-trois ans
Je suis contente
d’être sage
—
Ouvre ta main
dans le matin
Les chemins de vie
courent sur ta paume
comme dans l’enfance
—
C’est fête sur le rivage
que tu as atteint
lampes multicolores confettis et cerfs-volants
Tu as cinquante-trois ans
De ce jour initial
souviens-toi
longtemps